Banana- Split You never order it. It’s too monstrous, almost tasteless in its clawing sugary profusion. And yet, here you are. You’ve recently grown weary of sophisticated tastes, indulged too often in the bitter nuances. You’ve progressed to the hazy indefinable subtlety of the floating island, to things just shy of imperceptible. You’ve advanced to the measured summertime luxuriance of a little cup of four red fruits. So, just once, you let yourself linger over that line on the menu reserved for banana split. “And for you?” “A banana split.” It’s almost difficult to order, this mountain of simple pleasure. The young man takes your order with a respectful impartiality, but still you feel a little sheepish. There’s something childish in this unbridled consumption, which disregards every dietary moral and is completely without aesthetic reluctance. Banana split: the sheer brash childish gluttony, a pure primal hunger. When you get it, the surrounding diners leer at the dish with a mocking eye. It’s served on a dish, or in a giant even less discrete boat. Around the rest of the room there’s nothing but measly bird-sized helpings, narrow cakes whose chocolaty intensity collects in a skinny saucer. But, the banana split unfurls its earthly indulgence. A half-hearted shoring up of banana supported by scoops of vanilla and chocolate couldn’t dream of holding together a united front. The situation is exacerbated by a generous dapple of garish whipped cream. Thousands of people in the world die of hunger. Perhaps this thought is conceivable before a small slab of bitter chocolate. But, how do you confront it faced with a banana split? With the sprawling wonder under your nose you’re not really even hungry anymore. The remorse starts to set in, but you’ve got to get through it. You’ll forgive yourself after all this languid sweetness. A perversity such as this is healthy from time to time, and it can be accomplished only with the help of a philandering appetite. Like a child stealing jam from the pantry, you hide this indecent pleasure from the adult world, condemned by the unspoken code, and you’re fully aware up until the final spoonful- it’s a sin. |
Un banana-split
On n’en prend jamais. C’est trop monstrueux, presque fade à force d’opulence sucreuse. Mais voilà. On a trop fait ces derniers temps dans le camaïeu raffiné, l’amertume ton sur ton. On a poussé jusqu’à l’île flottante le léger vaporeux, l’insaisissable, et jusqu’à la coupelle aux quatre fruits rouges la luxuriance estivale mesurée. Alors, pour une fois, on ne saute pas sur le menu la ligne réservée au banana-split. – Et pour vous? – Un banana-split. C’est assez difficile à commander, cette montagne de bonheur simple. Le garçon l’enregistre avec une objectivité déférente, mais on se sent quand même un peu penaud. Il y a quelque chose d’enfantin dans ce désir total, que ne vient cautionner aucune morale diététique, aucune réticence esthétique. Banana-split, c’est la gourmandise provocante et puérile, l’appétit brut. Quand on vous l’apporte, les clients des tables voisines lorgnent l’assiette avec un oeil goguenard. Car c’est servi sur assiette, le banana-split, ou dans une vaste barquette à peine plus discrète. Partout, dans la salle, ce ne sont que coupes minces pour cigognes, gâteaux étroits dont l’intensité chocolatée se recueille dans une étique soucoupe. Mais le banana-split s’étale: c’est un plaisir à ras de terre. Un vague empilement de la banane sur les boules de vanille et de chocolat n’empêche pas la surface, exacerbée par une dose généreuse de chantilly ringarde. Des milliers de gens sur terre meurent de faim. Cette pensée est recevable à la rigueur devant un pavé au chocolat amer. Mais comment l’affronter face au banana-split? La merveille étalée sous le nez, on n’a plus vraiment faim. Heureusement, le remords s’installe. C’est lui qui vous permettra d’aller au bout de toute cette douceur languissante. Une perversité salubre vient à la rescousse de l’appétit flageolant. Comme on volait enfant des confitures dans l’armoire, on dérobe au monde adulte un plaisir indécent, réprouvé par le code – jusqu’à l’ultime cuillerée, c’est un péché. |