The First Swallow of Beer


IMG_0113The First Swallow of Beer

It’s the only one that really matters. After that they drag on – longer and more banal, less striking and more anodyne, providing nothing but a tepid bloating, a cloying richness. You may perhaps rediscover the final gulp, but only with the sobering knowledge that it’s the last…

But that first swallow! Swallow? It starts way before the swallowing. On the lips a frothing gold, the freshness amplified by the foam, then slowly on the palate a wash of happiness, a hint of sifted bitterness. How it takes your over, that first gulp! You take it in straight away, with a sinful, intrinsic greed. And, before you know it, the whole drama has already been played out: the quantity, which is neither too much nor too little (and therefore makes for the ideal start); the well-being immediately highlighted by a sigh, a smack of the tongue, or an equivalent silence that’s just as good; the way in which for a moment you’re almost convinced that this pleasure could continue into infinity…

But, you there’s no fooling yourself. The best has passed.
You put down your glass on the little square coaster and slide it away slowly. You savor the color, a false honey, like chilled sunlight. Above all a ritual of wisdom and waiting, you want to understand the miracle, which has arrived and already flitted away. You re-read on the side of the glass with satisfaction the exact name of the beer which you have just ordered. But, no matter the rapport between content and container, nothing can make it full once again. You want to distill the secret of that pure gold, to lock it away in formulae. But, sitting at the little white sun-splashed table, the disillusioned alchemist can only save face, and drink more and more beer with less and less joy. It’s a bitter state of happiness: you drink to forget the first mouthful. 

La première gorgée de bière

C’est la seule qui compte. Les autres, de plus en plus longues, de plus en plus anodines, ne donnent qu’un empâtement tiédasse, une abondance gâcheuse. La dernière, peut-être, retrouve avec la désillusion de finir un semblant de pouvoir… Mais la première gorgée! Gorgée ? Ça commence bien avant la gorge. Sur les lèvres déjà cet or mousseux, fraîcheur amplifiée par l’écume, puis lentement sur le palais bonheur tamisé d’amertume.

Comme elle semble longue, la première gorgée! On la boit tout de suite, avec une avidité faussement instinctive. En fait, tout est écrit . la quantité, ce ni trop ni trop peu qui fait l’amorce idéale ; le bien-être immédiat ponctué par un soupir, un claquement de langue, ou un silence qui les vaut; la sensation trompeuse d’un plaisir qui s’ouvre à l’infini…

En même temps, on sait déjà. Tout le meilleur est pris. On repose son verre, et on l’éloigne même un peu sur le petit carré buvardeux. On savoure la couleur, faux miel, soleil froid. Par tout un rituel de sagesse et d’attente, on voudrait maîtriser le miracle qui vient à la fois de se produire et de s’échapper. On lit avec satisfaction sur la paroi du verre le nom précis de la bière que l’on avait commandée. Mais contenant et contenu peuvent s’interroger, se répondre en abîme, rien ne se multipliera plus. On aimerait garder le secret de l’or pur, et l’enfermer dans des formules. Mais devant sa petite table blanche éclaboussée de soleil, l’alchimiste déçu ne sauve que les apparences, et boit de plus en plus de bière avec de moins en moins de joie. C’est un bonheur amer : on boit pour oublier la première gorgée.